La retraite à soixante ans

La vie commence à soixante ans, affirmait Goethe, qui sut profiter de l’existence jusqu’à son vingt-troisième printemps bis.

La soixantaine

Sans doute cette conception sympathique et dynamique du troisième âge n’était-elle pas isolée dans l’ancien temps puisqu’il fut longtemps de tradition, dans les campagnes françaises, de repartir de zéro pour exprimer son âge, dès qu’on dépassait la soixantaine.

La soixantaine

La soixantaine

Cette pratique fit pouffer bien des gamins, élevés à la ville, lorsqu’ils entendaient telle vieille tante, restée au pays, affirmer tranquillement qu’elle allait sur ses douze ans.

Ainsi n’est-ce peut-être finalement pas un hasard si l’on semble s’acheminer, avec une lenteur sans doute mal calculée, vers la retraite à trois fois vingt ans.

Cet âge constitue peut-être une étape naturelle au cours de laquelle chacun doit abandonner le cocon trop étroit de l’homo economicus pour devenir un « homme-loisir », espèce encore trop récente pour avoir un nom latin.

Quoi qu’il en soit, la retraite à soixante ans a déjà place dans notre mentalité, à défaut d’être entrée dans les mœurs.

La revendication des jeunes

On a vu des jeunes défiler de la Bastille à la République en scandant « la retraite à soixante ans ». C’est s’y prendre assurément bien à l’avance.

C’est surtout démontrer, en manifestant au profit des aînés, que cette revendication est désormais considérée comme une justice à rendre aux travailleurs de toutes conditions.

C’est pourquoi, n’en doutons pas, à tort ou à raison, un peu plus tôt, un peu plus tard, elle leur sera rendue.

Ce sera sans doute une affaire considérable, sur les plans social, économique et moral. Une telle perspective excite évidemment les oracles.

L’abaissement de l’âge de la retraite

L’oracle Tant-Pis y voit une véritable catastrophe en puissance. La « commission d’étude des problèmes de la vieillesse », qui remit au Premier ministre, il y a déjà des années de cela, un remarquable rapport sur la politique de la vieillesse, stigmatisait « le caractère irréaliste des propositions tendait à l’abaissement de l’âge de la retraite » et ajoutait cet avertissement : « Loin de conduite à une amélioration des conditions de vie des personnes âgées, la mesure réclamée… aboutirait non seulement à interdire définitivement toute perspective du relèvement des pensions, mais conduirait rapidement à une crise financière grave des institutions de retraite… »

On peut résumer très schématiquement les fondements théoriques de tels points de vue. En France, les retraités représentent 13,2 % des actifs (soit 1 320 retraités pour 10 000 actifs).

Mais, sur 10 000 personnes âgées de moins de soixante-cinq ans, on en compte 497 qui ont passé la soixantaine.

En première approximation, on peut donc estimer que si l’on abaissait l’âge de la retraite à soixante ans on recenserait 9 503 actifs pour 1 817 retraités.

Si l’on veut que chaque retraité dispose de 4,9547€ pour vivre, il faudra 6540,204€  dans le premier ces et 9002,68€ dans le second.

Malheureusement, les 6540,204€ doivent être versés par 10 000 actifs, soit 0,6540€ par actif, tandis que les 9002,68€ doivent être versés par 10 000 actifs, soit 0,6540€ par actif, tandis que les 9002,68€ doivent être trouvés auprès des 9 503 actifs seulement.

Dans le second cas, la contribution des actif a donc été augmentée de 44,7 %.

Les oracles Tant-Mieux restent persuadés que leurs tristes confrères raisonnent ainsi en raison de l’intérêt tout particulier qu’ils portent aux comptes d’exploitation « des grands monopoles capitalistes ».

Ils leur reprochent, parfois à juste titre, parfois à tort, de ne pas avoir une vision suffisamment dynamique et généreuse des choses et de ne pas considérer tout ce que l’on peut attendre du développement et la productivité – notamment ds développements dus à une amélioration du climat social -, d’une plus grande économie dans la gestion des régimes de retraite, d’une meilleure répartition des richesse et, enfin, d’une ré-étude fondamentale des priorités sociales.

Le troisième âge

C’est en définitive ce dernier point s’avère le plus important. Il est certain que la question, posée en termes d’arithmétique sociale simplifiée, est à peu près insoluble, sinon en faisant intervenir le temps, ce facteur qui permet aux points de vue les plus contradictoires de se concilier aux calendes grecques, comme l’infini permet enfin aux parallèles de se rencontrer.

Le troisième âge

Le troisième âge

En réalité, de tels problèmes ne se résolvent que si l’on en change les données. C’est pourquoi la place que l’on fera au troisième âge d’ici à la fin de ce siècle dépendra essentiellement de savoir si cette place est considérée ou non comme une priorité sociale.

Si oui – et c’est tout à fait souhaitable, sinon probable – la retraite à soixante ans sera possible parce qu’on lui aura sacrifié un certain type de croissance, ou le quotient familial, ou la force de frappe, ou l’aide au tiers monde, ou l’automobile, ou la retraite des plus favorisés ou un peu tout cela à la fois.

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